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Des solutions pour lutter contre la fracture numérique

Dans cet article, vous découvrirez l’origine de la fracture numérique, son évolution, les causes liées à ce phénomène et les pistes de solutions que nous vous proposons pour vous aider à en sortir.

#1.

Introduction

La fracture numérique définit les différentes inégalités dans l'accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) ainsi que leur utilisation. Elle peut être présente entre deux territoires distincts ou sur un même territoire, touchant alors des personnes proches géographiquement. 

De nos jours, la fracture numérique est, contrairement à ce qu’on pourrait croire, encore bien présente dans notre société. Cet article a pour but de vous faire prendre conscience de l’importance de ce phénomène et des différents facteurs qui entrent en jeu.

Afin de renforcer nos propos, nous avons interviewé Nicolas Neysen, professeur à l’École de Gestion de l’Université de Liège (HEC Liège) et promoteur au sein du HEC Digital Lab, et Olivier Ruol, expert senior des usages du numérique par les citoyens de l’Agence du Numérique.

HEC Digital Lab est une plateforme de services au sein de HEC Liège. Elle permet de renforcer la collaboration entre les différents acteurs du numérique dans le but de comprendre les enjeux du secteur digital et de développer les compétences nécessaires à celui-ci. 

L'Agence du Numérique, connue comme étant un accélérateur de la transformation numérique du territoire, est un centre d’expertise numérique wallon. Elle crée des projets afin d’aider les citoyens en quête de formation sur le numérique.

#2.

Évolution de la fracture du numérique

Officiellement, c’est en 2006, grâce à une enquête de l’Europe, que le terme “fracture numérique” est apparu. 

La fracture numérique a débuté dans les années 90 et depuis, elle a connu plusieurs évolutions. 

D'abord, la fracture d’équipement : 

Dans les années 90, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) ont commencé à se développer de plus en plus.

La fracture numérique concernait donc à cette époque les équipements technologiques tels que les ordinateurs. Il s’agissait d’une inégalité entre les personnes qui pouvaient se permettre de posséder les technologies numériques et les autres.

Aujourd’hui, la grande majorité des ménages est correctement équipée à ce niveau-là. En 2021, les chiffres du baromètre de maturité numérique des citoyens de l’Agence du Numérique confirment cette tendance. En effet, 96% des ménages wallons sont équipés numériquement avec un ou plusieurs appareils et 94% ont une connexion internet.

Puis, la fracture des usages : 

Au vu de cette première évolution, la fracture numérique a pris une autre dimension, qui tend à être plus intellectuelle et sociale que matérielle.

On parle alors d’une deuxième dimension de la fracture numérique. Elle concerne concrètement l’usage de ces technologies. Certaines personnes savent parfaitement utiliser ces TIC et d’autres peuvent se les procurer mais ne savent pas comment en faire bon usage. 

Même si le taux de compétences augmente, cette fracture est toujours bien présente de nos jours. Encore selon le baromètre de maturité numérique des citoyens de l’Agence du Numérique, 33% des wallons sont demandeurs de formations au numérique afin d’améliorer leurs compétences. Et parmi ces 33%, la moitié sont des jeunes, ce qui peut paraître étonnant.

Dans une ère où les jeunes sont de plus en plus vite intégrés dans le numérique, la fracture ne vise donc pas uniquement les « vieilles » générations mais également les plus jeunes. 

Effectivement, les jeunes d’aujourd’hui sont considérés comme faisant partie de la « génération numérique », celle qui a grandi avec la technologie et qui serait donc capable d’utiliser internet très tôt car il fait partie de son quotidien. 

Or, il existe beaucoup d’entre eux qui n’ont pas accès aux technologies et/ou qui ne savent pas les utiliser. Certains sont très à l’aise, par exemple, avec un smartphone mais pas forcément avec un ordinateur. Ils ne savent pas toujours manipuler l’ensemble des outils numériques.

Enfin, la fracture de confiance :

C’est là que se crée une troisième dimension de la fracture, qui concerne la manière dont les personnes se positionnent vis-à-vis d’Internet et du numérique.

Cela va des passionnés par le digital aux personnes les plus éloignées, avec un faible taux de compétence. En effet, il existe, aujourd’hui, des gens qui se sentent éloignés de ce monde par un réel manque de confiance envers celui-ci. Et comme la société se numérise de plus en plus, cette dimension effraie ces personnes qui pensent que la technologie évoluent trop vite. 

#3.

Les causes de la fracture numérique

La fracture numérique peut provenir de l’aspect générationnel, géographique, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, même en Belgique, mais aussi de l’aspect socioculturel. Elle apparaît dans des domaines de la vie de tous les jours tels que les systèmes bancaires, de santé, les mutuelles et autres. Aujourd’hui, il est nécessaire de posséder au moins une adresse e-mail pour y avoir accès. Or, il y a des personnes qui n’en ont pas ou ne savent pas comment fonctionne une adresse mail et font donc partie de la fracture numérique. Il est donc important de se rendre compte d’où provient cette fracture. 

Une des premières causes qui a entraîné cette fracture est le manque d’éducation. Si l’on fournit du matériel mais que l’on ne forme pas les gens à l’utiliser correctement, cela ne sert à rien.

Dans les écoles, on apprend aux élèves à utiliser des outils numériques. Pour certains étudiants, ces cours ne sont pas toujours suffisants, il est peut-être nécessaire pour eux de suivre des formations supplémentaires s’ils ne veulent pas se retrouver en situation de fracture.

“Les digital natives n’existent pas vraiment”

Olivier Ruol constate également que les “digital natives”, c’est-à-dire ces personnes qui sont nées dans un environnement numérique et qui sont censées savoir utiliser les technologies, n’existent pas vraiment. Même s’ils se disent « capables » d’utiliser ces technologies, la plupart d’entre eux sont probablement considérés comme « passifs » et non « actifs ». Un utilisateur passif, c’est quelqu’un qui utilise Internet mais simplement pour s’informer ou utiliser une application par exemple. Tandis qu’un utilisateur actif, c’est une personne qui va interagir avec le contenu produit, qui est capable de créer quelque chose de concret sur un ordinateur/tablette/téléphone. 

Lorsqu’on veut passer à ce deuxième statut, on n’est souvent pas assez accompagné. Et ces personnes font également partie de la fracture numérique puisqu’elles ne savent pas comment utiliser les outils numériques pour être considérées comme des utilisateurs actifs. 

La fracture numérique touche également certains services publics. Ceux-ci ne prennent pas toujours le temps d’expliquer comment fonctionnent leurs services. « Nous remarquons un manque de sensibilisation », explique Olivier Ruol. Nicolas Neysen insiste d’ailleurs sur le fait que l’on ne peut pas exclure des gens des services publics, leur accès doit être garanti pour toutes les catégories de population.

Pour vous donner un exemple, prenons la dématérialisation des banques. De nos jours, nous le remarquons bien, il y a de moins en moins de bornes pour retirer de l’argent, nous recevons de moins en moins de courriers papier et il y a de moins en moins de magasins où le cash est accepté. Tout se fait désormais « en ligne ». « Les personnes se sont donc retrouvées obligées d’utiliser des outils numériques pour lesquels elles n’étaient pas formées alors qu’elles n’en avaient jamais utilisé auparavant. » souligne Olivier Ruol.

Voici un autre exemple : lorsque l’on se rend à la commune, tout semble être mis en place pour les personnes à mobilité réduite. Mais qu’en est-il des personnes victimes de la fracture numérique ? Comme expliqué précédemment, l’accès à un service public doit être garanti à toute la population et donc aussi aux personnes en fracture numérique. Il est possible que votre commune ne propose malheureusement pas des services adaptés et que l’utilisation du site internet de celle-ci ne soit pas simple et agréable. 

S’il existe aujourd’hui un manque de confiance envers les technologies, ces exemples montrent qu’il y a un risque d’engendrer, en même temps, un manque de confiance envers les services publics. 

Ceux-ci doivent avant tout penser à informer de manière claire, de s’assurer qu’il n’y a pas de problème d’accessibilité numérique ou bien, qu’il soit minime.

#4.

Des solutions pour lutter contre la fracture numérique

Voici diverses manières d’accompagner les personnes touchées par la fracture numérique :  

Premièrement, individuellement ou en tant qu’entreprise, lorsque vous placez du matériel technologique entre les mains d’une personne qui ne l’a jamais utilisé, il est nécessaire de lui accorder un accompagnement et une formation afin qu’elle puisse progresser le plus rapidement possible et de la meilleure façon. Si cette personne décide de découvrir et d’apprendre par elle-même, il est tout de même important qu’elle se fasse accompagner au début. 

Il est vivement recommandé de s’adapter à toutes les catégories de personnes qui sont susceptibles d’utiliser vos services. Par exemple, nous n'avons accès aux comptes en banque pratiquement que par Internet. Or, beaucoup de personnes se retrouvent dans l’incapacité de consulter leur compte en banque et donc de voir l'argent qu'ils possèdent. Il est nécessaire de proposer d’autres solutions à ces personnes, que ce soit un « retour en arrière », c’est-à-dire, avant que tout passe au digital ou alors proposer une démonstration de l’application à utiliser.

Afin d’assurer l'accessibilité, il est judicieux de tester les outils avec les personnes touchées par la fracture pour comprendre ce qu’il faut potentiellement améliorer afin que tout le monde puisse les utiliser correctement. En effet, ces outils sont principalement testés par des gens compétents et ils ne s’apercevront peut-être pas de leur complexité. Cela vaut pour toutes les entreprises qui proposent des outils digitaux à leurs clients. 

Nous vous conseillons de créer un environnement intuitif afin de faciliter l’accès au maximum. Pourquoi pas d’abord démarrer avec une interface assez simple et puis quand vos utilisateurs s’habituent, proposer de nouvelles fonctionnalités, toujours en leur expliquant les changements. Nicolas Neysen imagine même une application avec différents niveaux de complexité et que l’utilisateur pourrait choisir selon ses besoins ce qu’il pourrait faire sur l’application de manière à rendre l’interface plus accessible et plus agréable à utiliser, sans avoir un tas de fonctionnalités inutiles qui rendrait l’app plus difficile à prendre en main.

Et même avant cela, créer un contact humain est très important. Nous vivons dans une ère où nous rencontrons de moins en moins de personnes en face à face et cela peut provoquer un manque de confiance envers, notamment, les services publics. 

Voici les conseils de nos experts si vous êtes en situation de fracture numérique : 

Nicolas Neysen : « Osez en parler à votre environnement proche. Votre famille et vos amis peuvent vous aider. Les petits-enfants peuvent aider leurs grands-parents, ce qui permet aussi de créer du lien. 

Si vous rencontrez des problèmes lors de l’utilisation de services publics, plaignez-vous. Ils ne se rendent peut-être pas compte qu’ils empêchent des personnes de l’utiliser. N’hésitez pas à demander un rendez-vous à votre banquier pour qu’il vous explique comment utiliser leur outil.

N’ayez pas peur de vous jeter à l’eau, d’acheter un smartphone, une tablette ou un ordinateur et de l’utiliser pour vous familiariser avec l’outil. Entraînez-vous régulièrement, plus vous utiliserez ces outils et plus vous aurez de facilité». 

HEC Digital Lab propose des publications pour mettre certains thèmes en avant comme le numérique responsable, des capsules vidéos et organise aussi des événements tels que des conférences. Le but est d’informer et de développer des compétences.

Olivier Ruol : « Même si on peut être fort critiqué parce qu’on ne sait pas utiliser des outils numériques, ne soyez pas honteux de votre état. Il existe des lieux pour vous permettre d’apprendre, de progresser, comme les Espaces Publics Numériques mais il y a aussi des personnes autour de vous pour vous aider, tels que votre famille, des amis, des médiateurs ou des associations. Le numérique peut vraiment vous aider au quotidien, répondre à vos besoins. C’est pour ça qu’un travail de sensibilisation est nécessaire. ». 

L’Agence du numérique met en place des outils pour aider les citoyens. Ils rencontrent des personnes et essayent de les aider du mieux possible en mettant en place des actions de sensibilisation ou des d’actions concrètes qui favorisent l’inclusion numérique.

Notre équipe a notamment développé une plateforme web simple d’utilisation pour l’AdN. Ce projet a pour but de réduire la fracture numérique en permettant aux citoyens de trouver facilement des lieux qui pourront répondre à leurs besoins liés au digital.

#5.

Conclusion

Pour conclure, lorsque nous nous apercevons que chaque dimension de la fracture numérique engendre la suivante, nous pouvons dire qu’il est nécessaire de mettre en place plusieurs solutions afin d’éviter d’en engendrer davantage.

Pour cela, nous suggérons aux personnes, aux services publics, aux entreprises qui se numérisent de communiquer régulièrement avec leurs clients sur leur évolution numérique afin de les aider et les accompagner en cas de besoin. 

La formation est un élément clé pour sortir de cette situation de fracture. 

Nous encourageons également les personnes qui souhaitent surmonter cette fracture, d’en parler autour d’elles, il existe des solutions concrètes. 

Enfin, il faut aussi se lancer, ne pas avoir peur d’essayer les outils numériques. C’est en les utilisant que nous pouvons les maîtriser.

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à laisser un commentaire ou à nous contacter, nous y répondrons avec plaisir.

Vous avez une question, un projet à développer ? N’hésitez plus et contactez-nous !